Claude Tchamitchian

Né le 28 décembre 1960 à Paris (France).

Contrebassiste, à la fois partenaire demandé dans des contextes très variés et leader d’un orchestre à géométrie variable, Claude Tchamitchian est particulièrement présent depuis la fin des années 1980 sur toutes les scènes et sur tous les fronts mêlant jazz, musiques improvisées et musiques traditionnelles. Une part de son activité est également tournée vers la musique de scène, pour le théâtre ou la danse.

Issu d’une famille de musiciens (il est souvent mentionné que son père fut élève d’Alfred Cortot), il opte tardivement pour la contrebasse qu’il apprend d’abord seul puis au conservatoire d’Avignon. Ses premières réalisations l’associent au guitariste avignonnais Rémi Charmasson avec lequel il forme un duo remarqué, qui deviendra un trio avec André Jaume (« Cinoche », 1988). Rapidement, il multiplie les rencontres : Stéphan Oliva, Jacques Di Donato, Gérard Marais, Sylvain Kassap, Yves Robert… Après un premier solo enregistré (« Jeu d’enfants », 1993), Claude Tchamitchian fonde le septette Lousadzak (qui signifie puits de lumière en arménien). Ce groupe à l’instrumentation singulière – clarinette, saxophone, trompette, trombone, guitare, contrebasse et batterie – coïncide avec la découverte tardive, par Tchamitchian, de la musique arménienne qu’il ignorait jusqu’alors, bien qu’étant né de père arménien et de mère française. Le principe directeur en est la primauté donnée à la ligne mélodique, laquelle doit créer l’harmonie et non l’inverse. Soit une écriture essentiellement contrapuntique et toujours conçue en étroite relation avec le timbre instrumental de chacun des membres du groupe (dont Daunik Lazro, Jean-Luc Cappozzo, Xavier Charles ou Thierry Madiot). L’influence de Mingus et celle des orchestres entendus en Arménie se conjuguent dans cette conception où la liberté des initiatives individuelles et l’importance de l’expression vocale (au propre comme au figuré) sont prépondérantes.

Engagé dans de nombreux projets ayant en commun une instrumentation inusitée (trombone, guitare, contrebasse et percussion dans le quartette d’Yves Robert, violon alto, violoncelle et contrebasse dans le Trio Arco), Tchamitchian s’illustre fréquemment en duo : avec Raymond Boni (guitare), Barre Phillips (contrebasse), Médéric Collignon (trompette, voix) ou Gaguik Mouradian, spécialiste de la kamantcha, un instrument à cordes frottées d’origine iranienne. Cette prédilection pour le dialogue se manifeste encore, plus récemment, dans le quartette formé avec Joe McPhee (saxophones et trompette), Lazro et Boni, à travers une exploration systématique des multiples facettes du duo (« Next to you », 2006). Après le Grand Lousadzak (treize musiciens) en 1998 puis le New Lousadzak en 2005 (réduit à huit musiciens), un Acoustic Lousadzak a vu le jour en 2008 dans lequel la partie vocale est confiée à Élise Caron, entourée de cordes frottées et de bois. À l’affût des projets singuliers ou des croisements entre disciplines, Tchamitchian  a participé à plusieurs musiques de scène faisant intervenir la littérature (« Même la nuit » d’après Agota Kristof, 2007) ou la danse (« Lettres » d’Éric Watson et Charles Cré-Ange, 2007). Il a multiplié, depuis une dizaine d’années, les résidences, ateliers, actions musicales et pédagogiques dans différents festivals, universités ou conservatoires. Il est enfin co-fondateur d’Émouvance, structure de production et label dédié aux musiques vivantes (jazz, musiques traditionnelles) ayant produit 26 albums entre 1994 et 2008.

Souvent décrit comme l’héritier français de Charlie Haden plus encore que celui de Mingus, Claude Tchamitchian appartient, à l’instar de Barry Guy ou de William Parker, à cette lignée de contrebassistes plus fédérateurs que réellement leaders.  Contrebassiste à la fois souple et sûr, il conçoit son instrument comme le fondement de l’édifice orchestral. Compositeur, il s’attache à faire surgir l’entrecroisement des mélodies, avec générosité et lyrisme, à travers des compositions étendues au format de suites (« Bassma Suite », Grand Lousadzak, 1998).

Vincent Cotro