John Surman

Né le 30 août 1944 à Tavistock (Grande-Bretagne)

De l'émancipation au confluent des avant-gardes des années soixante jusqu'à l'affirmation d'un univers syncrétique porté vers l'introspection, l'itinéraire de John Surman au sein du jazz européen est à la fois exemplaire et singulier. Enfant, il apprend le chant à l'école sur des mélodies traditionnelles, puis entre dans des chœurs d'église. Adolescent, il débute à la clarinette, puis adopte le saxophone baryton (écoute décisive d'Harry Carney, leçons d'Howard Johnson). Londres, 1962 : John Surman débarque de sa Cornouaille natale après avoir fait ses classes avec l'ensemble que Mike Westbrook a formé à Plymouth. Il étudie au London College of Music, multiplie les gigs (blues avec Alexis Korner, hard bop avec Ronnie Scott…), et se trouve très vite pris dans l'émulation de la scène anglaise où des aventures fondatrices prennent corps : le Brotherhood of Breath de Chris McGregor, ou encore les premiers émois du jazz-rock avec John McLaughlin (il participe au premier disque du guitariste « Extrapolation » en 1969).

Si le saxophoniste reste en marge des expériences plus radicales (autour de John Stevens, Derek Bailey…), The Trio qu'il forme en 1969 avec deux musiciens américains, le contrebassiste Barre Phillips et le batteur Stu Martin, reste encore aujourd'hui visionnaire. Transition entre la dernière période de John Coltrane et les musiques improvisées européennes, il jette les bases d'un processus collectif épris de liberté qui ne perd pas de vue l'interaction formelle. S'y révèle un saxophoniste baryton d'exception : phrasé volontiers sinueux, fulgurant dans ses échappées et au lyrisme tout en nuances (du grave charnel jusque dans la légèreté du suraigu). The Trio fera encore figure de passeur en se joignant aux français Michel Portal et Jean-Pierre Drouet (« Alors ! ! ! » en 1970), et en s'élargissant à un grand orchestre comprenant notamment Kenny Wheeler, Chick Corea et Dave Holland (« Conflagration » en 1971). L'intensité de l'expérience conduisit John Surman à prendre ses distances, se retirant pour initier d'autres perspectives.

D'un solo inaugural en 1972, « Westering Home », jusqu'à son association avec le label allemand ECM en 1979, les années soixante-dix seront marquées par une quête en solitaire de nouvelles contrées musicales, revenant notamment vers le folklore britannique. Il s'initie aux synthétiseurs, développe des climats éthérés marqués par la musique répétitive. Cette plénitude empreinte de spiritualité ne manquera pas de dérouter ses premiers admirateurs, même si un certain horizon mélodique et son attention aux textures étaient déjà significatifs dans The Trio. On reconnaît toujours cette clarinette basse soyeuse au cheminement furtif, le soprano pointilliste ou tout en rondeur. Nouvelles rencontres avec la chanteuse Karin Krog, la danseuse Carolyn Carlson, et au cours des années 1980 avec le batteur Jack DeJohnette puis le pianiste Paul Bley. Les relations duettistes sont privilégiées, sensibles même dans des contextes élargis. En 1997 « Proverbs and Songs » avec orgue et chœur marque un retour sur ces racines : « Si je revois ce qui m'a réellement marqué dans la musique, c'était bien avant que je rencontre le jazz », dit-il. Si au sein du trio d'Anouar Brahem avec Dave Holland au milieu des années 1990, le malentendu ne se dissipe pas sur une expressivité tendant vers l'évanescence, les contextes acoustiques recèlent toujours une émulation rare comme en témoigne son quartet historique avec son compagnon de route, le pianiste John Taylor. John Surman reste avant tout un improvisateur virtuose.

Thierry Lepin